Il faut en finir avec l'angélisme, dit un ex-sous-ministre au MTQ

Written By Unknown on Sabtu, 26 April 2014 | 16.21

Le reportage de Catherine Kovacs

L'ancien sous-ministre Florent Gagné estime que les critiques adressées au MTQ quant à son manque de vigueur dans la lutte contre la collusion au fil des ans sont injustes. Il a par ailleurs dû s'expliquer sur le traitement qu'il a réservé à l'époque aux allégations de collusion d'un conseiller du MTQ qui ont fait l'objet d'un reportage d'Enquête.

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« Je pense que c'est de l'angélisme de penser que le MTQ pouvait se démerder seul avec ce problème-là », a plaidé celui qui fut sous-ministre au MTQ de 2003 à 2006. M. Gagné affirme que le ministère n'avait ni le mandat, ni les moyens, ni les compétences pour s'attaquer à la collusion.

« C'est de l'angélisme de dire : ''comment ça se fait que vous l'ayez pas vu?'' » — Florent Gagné

L'ex-sous-ministre au MTQ de 2003 à 2006 a convenu que ni lui ni son entourage au MTQ n'étaient naïfs et que, ayant vent de rumeurs et de soupçons, ils étaient sur leurs gardes. Mais le MTQ, a-t-il souligné en guise d'exemple, ne peut du jour au lendemain mettre des firmes ou des entrepreneurs sur une liste noire.

« Le MTQ est condamné à vivre dans un monde de soupçons sans jamais qu'il y ait nécessairement de preuves », a martelé M. Gagné, qui ajoute que l'on vit dans une « société de droit ».

Dans les faits, dit-il, seule la police pouvait vraiment agir, soulignant à cet effet qu'il aura fallu les enquêtes conjuguées de l'UPAC, de l'agence du revenu, de l'AMF, et le travail de la commission Charbonneau pour faire la pleine lumière sur des cas de collusion.

« La collusion n'est pas au MTQ, il en est la victime. » — Florent Gagné

« Ce dossier-là était sorti de mes préoccupations »

Le procureur Paul Crépeau a cependant persisté à s'étonner que, lorsque confronté à des allégations sérieuses, M. Gagné ait démontré si peu d'intérêt à en savoir plus.

Me Crépeau n'a en effet pas manqué de lui rappeler qu'en février 2003, comme Enquête le rapportera des années plus tard, un conseiller au cabinet du sous-ministre des Transports avait eu vent par un entrepreneur d'un stratagème collusoire élaboré à Laval. Or, M. Gagné fut un des premiers à en être informé puisqu'il occupait alors le poste de directeur général de la Sûreté du Québec.

Pourtant, autant à la SQ qu'après son arrivée au MTQ à l'automne 2003, M. Gagné ne tentera pas d'en savoir plus, satisfait que l'affaire soit entre les mains de la direction des enquêtes criminelles. Il n'en parlera d'ailleurs jamais sérieusement avec son conseiller François Beaudry - qu'il savait en contact avec la SQ - pas plus qu'avec son propre prédécesseur Jean-Paul Beaulieu, celui-là même qui l'en avait informé au départ.

Pressé de questions par la commissaire France Charbonneau, M. Gagné a expliqué qu'il s'était fait une règle d'or de ne pas se mêler des dossiers d'enquêtes criminelles à la SQ afin d'éviter les soupçons d'ingérence et qu'une fois transmis aux enquêteurs « ce dossier-là était sorti de mes préoccupations ».

François Beaudry devrait être entendu par la commission prochainement.

 Gagné fait fi des recommandations de Beaudry

M. Gagné a par ailleurs reconnu qu'il avait signé, début 2004, l'autorisation ministérielle requise pour des travaux imprévus effectués par Constructions Louisbourg, lors de la réfection du rond-point L'Acadie.

La direction montréalaise du MTQ, qui les avait demandés, estimait qu'il s'agissait de « quantités supplémentaires » au contrat, ce qui ne nécessitait pas d'approbation ministérielle.

L'analyste du ministère des Transports François Beaudry avait cependant jugé qu'il s'agissait plutôt d'un avenant au contrat, qui exigeait cette autorisation. Il avait recommandé au prédécesseur de M. Gagné, Jean-Paul Beaulieu, de ne pas signer l'avenant, un conseil qui avait été suivi jusque-là.

« Probablement qu'au moment de la signature, ça devenait académique » a expliqué M. Gagné. Parce que si c'était l'option A, que M. Paquet avait raison de dire que c'était juste des quantités, il fallait signer pour valider les paiements qui avaient été faits. Et si c'était l'option B, à savoir que M. Beaudry avait raison, il fallait quand même payer [sinon] on va se faire poursuivre ».

M. Gagné dit n'avoir jamais su qui avait raison dans ce litige.

Par François Messier

Le MTQ victime de l'engouement du politique pour le privé

Florent Gagné a expliqué que c'est lors de son passage au ministère des Transports du Québec (MTQ) que le gouvernement a entrepris un énorme effort de réinvestissement dans le réseau routier qui s'est poursuivi jusqu'à ce jour.

Il fallait, a-t-il expliqué, non seulement maintenir en état le réseau existant, mais aussi l'améliorer, ce qui nécessitait des centaines de millions de dollars supplémentaires.

Mais dans les années 2000, le MTQ n'est plus le ministère qu'il avait été jusqu'au début des années 1990, alors qu'il pouvait faire faire à l'interne l'essentiel de ses travaux, fort qu'il était de 12 000 employés - voire 16 000 l'été - et d'un département du génie que M. Gagné décrit comme étant alors « la plus grosse firme de génie du Québec ».

Ses 1500 ingénieurs, dit-il, faisaient alors tous les plans et devis et surveillaient tous les travaux.

Aussi, lorsque le MTQ se lance dans cet important plan de réinvestissement, c'est vers le secteur privé qu'il se tourne pour l'essentiel, un mouvement qui correspond d'ailleurs à la philosophie ambiante - tant au PQ qu'au PLQ - qui valorise les firmes de génie privées comme source d'expertise et espoir d'économies dans un contexte de compressions budgétaires.

Cette expertise tant vantée s'était d'ailleurs constituée en partie en débauchant les bons éléments au ministère, accentuant d'autant l'impact causé par les coupes d'austérité dans le personnel.

« Je pense que le secteur privé n'a pas été à la hauteur des attentes. » — Florent Gagné

Hamel aurait été congédié... s'il l'avait su

M. Gagné a par ailleurs affirmé n'avoir jamais été mis au courant du cas de Guy Hamel, cet ingénieur de la direction territoriale du MTQ à Montréal qui admis devant la commission avoir favorisé des entrepreneurs en retour de paiements en argent ou de voyages.

« C'est évident que si une histoire comme ça m'avait été rapportée, M. Hamel n'aurait pas fini la journée. Il aurait été congédié, quitte à ce qu'il me poursuive pour congédiement abusif. [...] Mais je peux vous assurer que je l'aurais congédié », a-t-il déclaré.

Le directeur du bureau de Montréal, Paul-André Fournier, a affirmé à la commission que le sous-ministre adjoint des Transports, Gilles Roussy, lui avait demandé de « tasser » M. Hamel des opérations, mais qu'il ne l'a pas fait, car, après vérification, personne ne lui a présenté de preuves.

M. Gagné a aussi convenu qu'il lui aurait fallu « de la substance » pour pouvoir congédier M. Hamel. « S'il y avait des informations le moindrement documentées, il aurait dû y avoir des suites à sa demande. Pourquoi il n'y a pas eu de suite, je ne le sais pas. »

Par François Messier

Le pouvoir relatif du ministre

Selon l'ex-sous-ministre de carrière, le pouvoir d'influence d'un ministre demeure très relatif, l'essentiel des travaux de conservation et d'amélioration du réseau ayant été programmé pour l'essentiel par les fonctionnaires.

L'influence du politique se faisait davantage sentir dans le cadre de projets qui avaient fait l'objet de promesses électorales, comme l'autoroute 30, ou lorsque venaient le temps d'accorder des contrats d'asphaltage, lorsque de nouveaux budgets étaient débloqués à la fin de l'été.

Dans ce dernier cas, il a cependant précisé que l'arbitrage politique s'effectuait entre des « projets « méritoires », dûment identifiés par les directions territoriales du ministère. Il est impossible, dit-il, d'ordonner des travaux qui n'ont pas fait l'objet d'une étude et d'une planification au préalable.

M. Gagné, qui a œuvré sous les ministres Yvon Marcoux et Michel Després aux Transports, a par ailleurs souligné que si le sous-ministre et son ministre ont les mêmes pouvoirs, il existe en pratique un partage des tâches.

M. Gagné a par ailleurs noté que sous Yvon Marcoux, c'est Julie Boulet qui s'occupait des travaux de voirie en région rurale à titre de ministre déléguée, le ministre se réservant les grands dossiers comme les autoroutes, le transport en commun,... Mme Boulet remplacera par ailleurs le ministre Marcoux à l'automne 2003, en congé de maladie.

Des critiques de... Renaud Lachance

Dans les années 1990, M. Gagné a été sous-ministre aux Affaires municipales puis à la Sécurité publique avant d'accéder à la tête de la Sûreté du Québec en 1998, où il demeurera jusqu'en juin 2003. Il sera par la suite sous-ministre aux Transports jusqu'en janvier 2006.

Il obtiendra par la suite plusieurs mandats auprès du gouvernement et sera notamment appelé à assurer la tutelle de la Ville de Laval en 2013, à la demande du gouvernement de Pauline Marois.

Florent Gagné avait été durement critiqué le 18 novembre 2009 par Renaud Lachance, qui occupait alors les fonctions de vérificateur général à Québec, pour ne pas avoir transmis à la police un rapport interne exposant un cas apparent de collusion, alors qu'il occupait le poste de sous-ministre aux Transports.

Les services d'enquête du MTQ avaient entrepris une investigation concernant le processus d'appel d'offres entourant l'octroi d'un contrat de déneigement, pour la région de Laurentides-Lanaudière, finalement annulé parce que les soumissions étaient toutes trop élevées.

M. Gagné avait confirmé, dans une lettre envoyée au vérificateur général le 22 novembre 2009, avoir décidé seul de ne pas transmettre le rapport aux autorités.

« J'assume personnellement, à l'exclusion de toute intervention politique, la décision que j'ai prise de ne pas transmettre ce dossier à la police ou au Bureau de la concurrence », avait-il alors écrit.

M. Florent était par ailleurs à la tête de la SQ lorsque l'opération Bitume pour lutter contre la collusion dans le domaine des contrats publics à Laval a été lancée en 2002, puis arrêtée abruptement après un an.


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