Mur de Berlin : l'un a levé la barrière, l'autre l'a franchie

Written By Unknown on Jumat, 07 November 2014 | 16.20

Le reportage de Jean-François Bélanger

Alors que l'Allemagne célèbre le 9 novembre le 25e anniversaire de la chute du mur de Berlin, nous vous présentons les portraits croisés de deux Allemands de l'Est dont le destin a basculé ce soir-là.

Chaque fois qu'il marche sur Bernauer Strasse, Aram Radomski ne peut s'empêcher de jeter un coup d'oeil sur l'immense muraille de béton gris, l'un des seuls pans du mur de Berlin encore intacts.

Comme tous les Berlinois, ce cinquantenaire au look de jeune rocker a une relation très personnelle au « Mauer », le mur. Et pour cause, il est le premier à être passé à l'Ouest au niveau du point de passage de la Bornholmer Strasse le 9 novembre 1989, le fameux soir où le mur est tombé. Il en parle avec une nostalgie empreinte de fierté.

La fin d'un régime à la télévision

Ce soir-là, Günter Schabowski, porte-parole du parti unique est-allemand, annonce en direct à la télévision que la frontière avec l'ouest sera ouverte; qu'il sera possible pour les citoyens de RDA de la traverser. Un journaliste lui demande quand. Visiblement mal préparé, l'apparatchik fouille dans ses papiers, puis bredouille « autant que je sache... immédiatement ».

Comme le reste du pays, Aram Radomski est devant sa télévision ce soir-là. Et comme le reste du pays, il n'en croit pas ses oreilles. Il sentait bien que le régime d'Egon Krenz serait forcé de lâcher du lest alors que se multipliaient depuis quelques semaines les manifestations de citoyens demandant plus de libertés.

Adam Radomski est alors journaliste. S'il travaille officiellement pour un média est-allemand, il en profite pour faire passer en douce vers l'ouest ses vidéos des manifestations, afin d'en informer le monde entier, et par ricochet, ses concitoyens est-allemands.

Dès qu'il entend la nouvelle de l'ouverture du mur à la télévision, il contacte ses amis. Ensemble, ils décident de se rendre au point de passage de la Bornholmer Strasse pour vérifier sur place s'il est bien possible de passer.

Arrivé devant le mur, il interpelle les gardes-frontières, leur demande s'il est effectivement possible de passer. Visiblement pris au dépourvu, ils hésitent, tentent de contacter leurs supérieurs.

Une heure plus tard, devant l'insistance de la foule qui y croit, ils décident de laisser passer les gens.

Les premiers pas

Aram Radomski est le premier à se présenter. Au passage, le douanier tamponne son passeport directement sur la photo d'identité.

Le journaliste hésite; en déduit qu'il sera déchu de sa nationalité est-allemande; que le passage sera à sens unique. Tant pis, il fonce et traverse le pont d'un pas décidé sans regarder en arrière.

« De l'autre côté, c'était à la fois banal et frappant. C'était la nuit; tout était noir. Puis au loin, nous avons vu un taxi et nous sommes approchés. » — Aram Radomski

Il se remémore la scène. « Le chauffeur semblait étonné de nous voir là avec nos cheveux longs et notre allure débraillée. "D'où venez-vous?", nous a-t-il demandé. "De l'Est", on a répondu. "Ah bon, ils vous laissent passer maintenant?" "Oui", avons-nous répondu avec fierté et inquiétude. »

Au final, non seulement le journaliste pourra rentrer chez lui, mais il profitera sans compter de la permission de voyager partout dans le monde au cours des mois et des années qui suivent.

« Ma vie a pris un virage à 180 degrés. » — Aram Radomski

L'amertume d'un ancien garde-frontière

Sans surprise, Heinz Schäfer a conservé de la même soirée des souvenirs et des impressions bien différents. Et pour cause, cet octogénaire encore alerte pour son âge était à l'époque commandant du poste-frontière de Schönefeld au sud de Berlin, le premier à s'ouvrir ce soir-là.

L'histoire a plutôt retenu ce qui s'est passé autour de la Bornholmer Strasse, parce que c'était au centre-ville de Berlin et que les journalistes s'y pressaient. L'ancien militaire ne cache pas son amertume à ce sujet, se sentant un peu oublié par l'Histoire.

« Ce soir-là, je reçois un appel d'un collègue officier qui me demande si j'ai vu ce qui a été annoncé à la télévision. Je réponds oui, mais lui dis que, comme lui, je n'ai pas reçu d'ordre », se souvient-il.

Le commandant file alors vers le poste-frontière où s'est déjà rassemblée une trentaine d'Allemands de l'Est qui l'interpellent au sujet de l'ouverture du mur. Il leur répond qu'il s'en occupe et poursuit son chemin à la rencontre des soldats. Il leur donne l'ordre de décharger leurs armes et de lui rendre les munitions avant de leur intimer : « Surtout, ne tirez pas! ».

« Entre officiers, on s'était mis d'accord pour ouvrir la barrière, mais je ne savais pas comment allaient réagir les soldats. Je ne pouvais pas prendre le risque qu'un d'entre eux, dépassé, décide d'ouvrir le feu sur la foule. » — Heinz Schäfer 

En regardant ce soir-là ses concitoyens passer la frontière en chantant et en poussant des cris de joie, ce militaire de carrière ayant porté fièrement pendant 40 ans les couleurs de la RDA, ne se doute pas que sa vie vient de changer pour toujours; que le régime qu'il défendait sans se poser de questions n'est plus qu'un château de cartes sur le point de s'effondrer.

Un pays qui ne lui plaît pas

Il attend décembre avant de s'aventurer à l'ouest avec sa femme. À la fois étonné, mais aussi découragé par l'abondance de biens dans les magasins, il raconte être reparti à l'est sans rien acheter.

Un an plus tard, le garde-frontière est licencié; se retrouve sans emploi, désoeuvré, dégoûté.

« Ce n'était pas simple de s'adapter, de tout changer du jour au lendemain. Il ne suffit pas de retirer son uniforme pour tourner la page.  » — Heinz Schäfer 

Au moment où le pays célèbre l'anniversaire de la chute du mur de Berlin et la réunification du pays, il ne peut s'empêcher de porter un regard amer sur toute cette période. « Toutes les usines ont été fermées. Des dizaines de milliers d'ouvriers se sont retrouvés au chômage. Beaucoup d'erreurs ont été commises », juge-t-il.

« Ils ont carrément dépouillé, dépecé la RDA. » — Heinz Schäfer 

À l'image de ces récits croisés, de ces destins parallèles, les « Ossies » et les « Wessies », respectivement les habitants de l'Est et de l'Ouest, continuent de faire une lecture bien différente de leur histoire commune.

L'Allemagne de l'Est et l'Allemagne de l'Ouest continuent d'exister et de cohabiter aujourd'hui, 25 ans après la chute du mur de Berlin, près d'un quart de siècle après la réunification.


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