André Durocher admet avoir cédé à l'appel de la collusion pour survivre

Written By Unknown on Kamis, 22 November 2012 | 16.20

Écrasé par les pratiques collusoires de ses rivaux dans le domaine de la construction, André Durocher d'Excavations Panthère a bel et bien tenté d'organiser un système de collusion pour les contrats publics lancés par des municipalités de la Rive-Nord de Montréal.

Cette tentative, menée après qu'il eut longtemps lutté contre de tels systèmes, a cependant échoué.

L'homme d'affaires de Blainville, dont l'entreprise est aujourd'hui au bord de la faillite, a reconnu sa participation dans cette affaire mercredi devant la commission Charbonneau, confirmant du coup une partie des allégations faites à ce sujet par l'ex-propriétaire d'Infrabec Lino Zambito.

Après 16 h, le témoignage s'est poursuivi sous ordonnance de non-publication pour éviter de contaminer les jurys potentiels sur des faits en lien avec des procès à venir concernant les opérations policières Fiche et Gravier. Il en sera de même jeudi pour une partie de la journée.

André Durocher a expliqué qu'il a réuni une vingtaine entrepreneurs au Ramada Inn de Blainville le 10 mai 2008. Outre lui, Bernard Sauvé, de Saint-Augustin, Mike Mergl, de Laval, et un autre entrepreneur qu'il n'a pas identifié avaient fait des appels pour réunir des gens intéressés à participer.

Selon André Durocher, Robert Dion de Pavage Dion, Bernard Sauvé de Sauvé Excavations, Jocelyn Giguère de Doncar, Christian Blanchette de CJRB, Lino Zambito d'Infrabec, Mike Mergl de Mergl Excavations et André Ross d'Anor étaient présents, tout comme un représentant des Entreprises Charles Maisonneuve.

À sa grande surprise, a-t-il dit, des entrepreneurs de Laval, comme Poly-Excavation et Dufresne Asphalte, représenté par Patrick Lavallée, étaient aussi présents. Il croit que d'autres entrepreneurs les avaient probablement prévenus. M. Durocher avait déjà dit qu'il avait organisé cette rencontre pour « sortir les entrepreneurs qui nous sortaient d'autres villes » pour les contrats publics de la Rive-Nord.

« À chaque appel d'offres qui sortait, il y avait un entrepreneur de Montréal ou Laval qui arrive en limousine pour déposer sa soumission, tandis que nous, on n'a pas l'opportunité de faire de l'argent sur des contrats. [...] C'est le seul moyen de survie qu'on a. On n'a pas la chance d'aller travailler à Laval à des prix meilleurs, ou à Montréal. » — André Durocher

Durocher dit qu'il avait mis la main sur tous les documents d'appels d'offres en cours à ce moment sur la Rive-Nord, et qu'il les a présentés aux entrepreneurs présents afin qu'un partage des tâches soit décidé.

La réunion a cependant tourné court lorsque des entrepreneurs de Blainville ont voulu prendre des contrats à Boisbriand et à Mascouche. Cela n'a guère plu aux entrepreneurs qui étaient déjà implantés dans ces municipalités. « Tout le monde voulait le même morceau de gâteau », a-t-il expliqué.

Qui plus est, l'entrepreneur qui avait mis la main sur un contrat de 300 000 $ se sentait désavantagé par rapport à un autre qui avait décroché un contrat de 3 millions de dollars, et voulait obtenir d'autres contrats jusqu'à concurrence de 3 millions.

« Ça s'est avéré le fouillis total. La chicane a parti. Les gars ont garroché les papiers. Ils sont tous partis. La réunion s'est conclue par un deux heures et demi de perte de temps. Le lundi matin, la guerre a reparti entre les entrepreneurs, et ça a été fini. J'en ai conclu que je n'étais pas un bon médiateur pour monter la collusion. » — André Durocher

Lino Zambito avait plutôt allégué le 4 octobre dernier que l'affaire avait fonctionné deux ou trois mois, notamment à Mirabel, à Blainville et à Saint-Jérôme, mais sans plus.

L'ex-propriétaire d'Infrabec avait expliqué que l'affaire ne pouvait pas tenir parce que Durocher n'avait pas invité d'importants entrepreneurs, comme ABC Rive-Nord, Asphalte Desjardins et Simard-Beaudry, à se joindre au groupe. Ces entrepreneurs, avait-il dit, n'auraient jamais accepté de se « tasser » au profit des membres de ce groupe.

L'entrepreneur Durocher affirme qu'il avait pris cette initiative contre l'avis des membres de sa famille, également impliqués dans la compagnie. Il dit avoir agi parce qu'il était en « mode survie ».

« Il vient un temps où tu ne sais plus où te garrocher. Tu as des équipements à payer, des hommes à faire travailler. Et là on te dit : "regarde, il y a un système de collusion partout, sauf où ce qu'on est et on se fait manger la laine sur le dos". Il reste quoi là? » — André Durocher

De la résistance à la survie pour Durocher

Cette confession sur cette tentative d'implanter son propre système de collusion sur la Rive-Nord est venue nuancer quelque peu les propos tenus lors de son témoignage de mardi.

L'entrepreneur d'Excavations Panthère émaille depuis deux jours son témoignage d'anecdotes démontrant sa volonté de résister aux sirènes de la collusion.

Mardi, il avait d'ailleurs dit, sans équivoque, n'avoir jamais trempé dans de la collusion : « Je n'avais pas d'intérêt à embarquer là-dedans. Ça ne m'intéressait pas ». Il présente cependant cette tentative comme un geste unique dans sa carrière.

André Durocher a fait état à la commission de différents déboires qu'il a connus comme entrepreneur et qu'il attribue notamment au fait qu'il refusait de céder aux pressions.

Certains des épisodes qu'il relate sont assez explicites, alors que pour d'autres, il n'est pas clair que ses ennuis pour obtenir des contrats publics résultent de ces contraintes.

Fait intéressant, l'entrepreneur d'Excavations Panthère soutient que sa volonté de ne pas se plier aux règles de la collusion aurait dans certains cas forcé l'ouverture du marché. M. Durocher a donné en exemple un contrat sur le boulevard Gouin à Montréal pour lequel il a soumissionné en 2009.

Il relate que tout juste après qu'une personne de sa compagnie eut mis la main sur les documents d'appels d'offres, Gilbert Théorêt, de Théorêt Excavations, l'a appelé à son bureau pour lui dire que c'était son contrat à lui.

L'homme, qu'il ne connaissait pas, s'est présenté et a dit : « ça s'arrête là, la job est à moi ». M. Durocher dit avoir refusé de déposer une soumission de complaisance de plus de 9,5 M$, comme le lui avait demandé M. Théorêt. Avec un carnet de commandes dégarni, Durocher n'avait pas l'intention de céder.

« Il a dit que la job lui revenait et que c'était à lui. J'ai dit: ''Il n'en est pas question, l'appel d'offres m'intéresse et j'ai l'intention de travailler''. » — André Durocher

Un carnet de commandes dégarni, a-t-il expliqué, c'est des bons employés qui quittent, des banques inquiètes, les assureurs qui réduisent le cautionnement fourni...

M. Théorêt a cependant insisté, il est venu deux fois à son bureau et est même passé par Jocelyn Giguère, de Doncar, pour essayer de le « raisonner ». Ce dernier, devant la détermination de Durocher, l'aurait finalement félicité.

Si Théorêt Excavations l'a finalement emporté, M. Durocher souligne qu'il l'a fait avec un prix plus bas, 7,5 M $, comme le démontrent les résultats de l'appel d'offres déposés en preuve.

L'entrepreneur d'Excavations Panthère a fait aussi état d'une autre tentative pour l'écarter d'un contrat en avril 2009, cette fois pour une piste cyclable à Mirabel. Guy Desjardins, de Desjardins Asphalte, l'aurait d'abord appelé pour lui dire qu'il avait réussi à « tasser » tout le monde et qu'il voulait qu'il fasse pareil. Mais Durocher refuse, malgré l'offre de faire de la sous-traitance.

Il tentera une seconde fois, toujours en vain, de le convaincre.

« Si moi je n'accepte pas d'embarquer dans leur collusion, il faut qu'il rappelle son monde pour lui dire : ''le marché est ouvert, Panthère veut rien savoir''. » — André Durocher

Excavations Panthère n'a pas eu le contrat, remporté par Desjardins asphalte, mais, note M. Durocher, à un prix moindre : évalué par la firme de génie à 1,2 M$, Desjardins aura eu le contrat pour 600 000 $.

M. Durocher a aussi abordé un contrat qu'il a fait en 2003 dans la ville de Bellefeuille, rue Volière, où, cette fois, il est moins clair que ce qui s'y est passé soit l'effet de la collusion. Il soutient que les tests pour déterminer la composition du sous-sol avaient été mal faits, mais sans pouvoir dire si c'était volontaire.

Cette erreur a cependant entraîné une chicane entre sa compagnie, la firme de génie Dessau-Soprin et des promoteurs privés, qui s'est traduite par des retards de paiement. Serge Duplessis, de Dessau-Soprin, a tenté de mettre fin à la médiation en proposant de compenser Excavations Panthère sur d'autres contrats, avec intérêt.

André Durocher dit avoir refusé parce qu'il voulait avoir des liquidités et ne voulait pas être à la merci d'une firme de génie. Finalement, la firme a accepté de payer M. Durocher ce qu'on lui devait, soit un peu plus de 1 million de dollars, mais seulement un an et demi plus tard.

Il a enfin expliqué avoir décidé de ne pas soumissionner sur un contrat à Saint-Hippolyte après un appel de Bruno Crispin de Dessau-Soprin. Ce dernier lui a dit que le contrat était pour Lino Zambito, et qu'il ferait annuler l'appel d'offres si Excavations Panthère l'emportait. Infrabec a bel et bien obtenu ce contrat.

M. Durocher a terminé son témoignage en saluant le « très bon travail » de la commission Charbonneau, ce qu'elle fait entre autres pour tous les entrepreneurs et les firmes qui n'ont pas trempé dans la collusion. Il regrette seulement que le tout n'ait pas eu lieu avant.

« S'il y avait eu une commission Charbonneau dix ans auparavant, je serais peut-être assis ici, mais j'aurais encore mon entreprise. » — André Durocher

En contre-interrogatoire, l'entrepreneur s'est fait questionné sur les différences entre son témoignage et celui de son ex-courtier en assurances Pierre Papineau concernant le contrat de la rue Chabanel, à Montréal.

Il a dit croire que M. Papineau avait « oublié » de mentionner qu'il était venu aux bureaux d'Excavations Panthère le 3 décembre 2008, pour lui retirer son cautionnement, de manière à ce qu'il ne puisse pas soumissionner.

Selon M. Durocher, Pierre Papineau a agi de la sorte pour le protéger. Il était d'ailleurs davantage « intimidé » qu'« intimidant », a-t-il dit. Il estime que Pierre Papineau est vraisemblablement sous pression parce qu'il est toujours actif auprès d'entrepreneurs en construction.

Durocher face aux marchés fermés

Mardi, le président d'Excavations Panthère a affirmé que son entreprise « n'avait pas le droit » de soumissionner pour des contrats publics à Montréal et à Laval, deux villes sous l'emprise de groupes d'entrepreneurs « très très agressifs » qui verrouillaient le marché.

Il a précisé mercredi qu'il n'avait eu que deux contrats, minimes, à Montréal, entre 2000 et 2009.

Un de ces contrats a été obtenu grâce à un appel d'offres sur invitation d'Éric Lavoie, ingénieur de la Ville de Montréal, pour la pose de chambres de vannes à Verdun ou Lasalle, entre 2006 et 2008. Le contrat était d'un montant inférieur à 100 000 $.

M. Durocher dit avoir été invité à soumissionner par M. Lavoie, qui avait déjà été ingénieur chez Panthère. Seuls des entrepreneurs qui ont des contacts peuvent bénéficier de cette façon de faire, a-t-il dit, puisqu'il n'y a pas de processus. Il reconnaît, pour reprendre le mot du commissaire Renaud Lachance, qu'il y a là un genre de « gammick ».

M. Lavoie lui a par la suite dit qu'il avait été réprimandé pour ne pas avoir fait appel à un entrepreneur de la Ville, mais il ne sait pas par qui. L'avocat de la Ville de Montréal, Me St-Jean, a précisé que la ville peut faire des soumissions par invitation pour des projets de 30 000 $ à 100 000 $.

Sur la Rive-Nord de Montréal, ce sont plutôt des entrepreneurs, des firmes de génie-conseil et des membres de l'administration municipale qui s'unissent pour exercer un contrôle sur les marchés publics, a soutenu André Durocher mardi. Ces groupes peuvent manoeuvrer de différentes manières pour exclure les entrepreneurs dont ils ne veulent pas.

M. Durocher a précisé mercredi que ce type de collusion a commencé à s'implanter vers 2002 et qu'à partir de 2005, il était très difficile de faire face à cette concurrence.

Il a en outre affirmé que la situation était telle qu'il n'a pas hésité à aller aussi loin que Val-d'Or ou La Tuque pour travailler parce qu'il ne pouvait plus percer le marché de Blainville. Et là-bas, explique-t-il, non seulement il ne recevait pas d'appels menaçants, mais les entrepreneurs, comme à Val-d'Or, lui offraient même des coups de main.

Au fil des années, André Durocher dit qu'il a été harcelé et intimidé, et que les équipements de sa compagnie ont été vandalisés. Son frère Denis s'est notamment fait frapper au visage par un individu muni d'un poing américain, ce qui lui a valu trois fractures et un arrêt de travail d'un an.

Un texte de François Messier et Bernard Leduc

Suivez la commission en direct avec François Messier :


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